Une étendue verte où pointent des brins d’herbe jaunis par le soleil, des rochers noirs dans l’eau, des grottes, des pétroglyphes, et des colosses de pierres érigés principalement sur les côtes, voilà à quoi ressemble l’Île de Pâques.
Attention à ne pas se méprendre, ce n’est pas une île aux plages paradisiaques ou aux eaux transparentes, non, l’île regorge plutôt d’autres trésors naturels comme ces grands lacs situés dans les volcans Rano Raraku et Rano Kau. Les couleurs y sont parfois surprenantes.
Mais si l’île attire tant, c’est parce qu’elle semble avoir une âme. Ici, impossible d’être insensible à ces géants de pierre qui vous entourent et semblent veiller sur vous. Impossible non plus, de ne pas être touché par ses habitants, par une culture polynésienne si généreuse, où le Mana, sorte de vecteur spirituel d’énergie et de force, semble agir comme un aimant.
Classée au Patrimoine Mondial de l’UNESCO depuis 1995, l’île regroupe près de 900 moaï disséminés un peu partout. Si 300 de ces grandes statues ont été restaurées et repositionnées sur les plates-formes traditionnelles, 400 autres restent encore inachevées, comme figées dans l’histoire, en phase de construction dans la carrière des moaï près du volcan Rano Raraku. Les 200 derniers errent au milieu de l’île ou aux pieds des plates formes, cassés, abandonnés là lors de leur transport, ou tombés de leur piédestal à la suite de catastrophes naturelles. Les moaï sont la représentation de personnes ayant probablement vécu dans le clan. Ils peuvent faire référence à des chefs, à des guerriers ou à des prêtres. Ils représentent ainsi le mana spirituel nécessaire à la protection du clan. Le plus petit mesure un mètre, le plus grand retrouvé inachevé mesure lui 21,60m et pourrait peser plus de 200 tonnes.
57 des statues érigées possèdent un Pukao, sur une île où l’on en compte 74. Ces « chapeaux » de roche volcanique représentent plutôt les coiffes des dignitaires. La carrière des pukao se situe d’ailleurs à une douzaine de kilomètres du site de Tongariki où sont alignés 15 moaï.
Enfin, les moaï ont de longues oreilles comme les dignitaires des clans et leurs ongles sont longs, montrant ainsi qu’ils ne travaillaient pas la terre, et qu’ils étaient donc plutôt des notables. Sur certains d’entre eux, l’on retrouve aussi des pétroglyphes qui démontrent un lien très fort du peuple avec l’astronomie.
La plate-forme appelée « Ahu » en Rapa Nui est un lieu sacré. Cette première vidéo vous permettra de comprendre sa signification sacrée et son organisation. Christophe Conry, guide français certifié sur l’Île de Pâques, nous explique tout ça devant la plus grande plate-forme de Polynésie, sur le site d’Ahu Tongariki où sont érigés 15 moaï. On dit que le Roi Polynésien Hotu Matu’a, premier roi des habitants d’origine de l’Île de Pâques, aurait eu 18 fils et que ces 15 moaï alignés pourraient être la représentation de plusieurs d’entre eux . Dans un second temps, notre guide expliquera aussi les différentes théories qui permettent d’expliquer comment des hommes ont pu déplacer ces géants de plusieurs dizaines de tonnes sur plusieurs kilomètres.
La carrière des Moaï
Se retrouver seul face à ces géants de pierre à moitié enfouis dans le sol, reste un moment unique. Ici l’histoire frappe, le lieu est emprunt de magie, d’émotion. La vue de ces statues éparpillées partout sur la façade du volcan fait penser à un cimetière fou. C’est comme si l’apocalypse avait frappé, laissant derrière elle, les stigmates d’une civilisation de géants, totalement anéantie.
Sur les parois du volcan Rano Raraku, se situe le site de fabrication des moaï. Taillés directement dans la pierre – la roche était mouillée pour être attendrie, puis on taillait directement dans le volcan – le moaï était ensuite détaché de la paroi pour être glissé vers le pied du volcan.
De là, il était enterré ou calé debout, pour pouvoir être travaillé dans les détails. Les contours du visage, la nuque et le dos étant peaufinés à ce moment là. Les mains étaient, elles, déjà dessinées dans les hauteurs de la carrière, avant même que le moaï ne soit détaché de la montagne. C’est ensuite qu’ils étaient emmenés (grâce aux techniques décrites dans la vidéo) via différentes routes, vers les villages et les lieux importants de l’île.
D’après l’expertise de Katherine Routledge, une archéologue britannique qui organisa sa première expédition sur l’île en 1914, la durée de fabrication d’un moaï de un à deux mètres aurait été d’une à deux semaines. Cependant, en 1955, des tests furent réalisés avec 10 personnes, pour évaluer le temps de fabrication d’un moaï. Il s’avère que pour sculpter un visage, deux semaines semblaient être nécessaires. Il aurait ainsi fallu 25 semaines pour tailler un moaï de 1 à 2 mètres et une année pour un moaï de 10 mètres.
Près de la carrière, l’on retrouve cependant une statue des plus particulières. Le crâne rond, de courtes oreilles, une langue ou une barbe, la personne est représentée à genoux et l’on voit ses jambes. Aucun moaï n’est représenté avec des jambes. L’hypothèse est que cette statue représente un prêtre ou un homme dans une pirogue. Ce pourrait être aussi un rituel en rapport avec le sol et l’eau. Quelqu’un pourrait être en train de prier le Dieu de la pluie. Encore une fois, ce ne sont que suppositions.
La carrière aurait été utilisée à partir de l’an 1000 et jusqu’à l’an 1700. C’est à la fin de cette période que la construction de Moaï aurait été subitement stoppée. Pour expliquer ce phénomène, trois hypothèses sont avancées mais aucune n’est complètement prouvée.
- Une guerre des clans ou guerre civile, sociale. Le peuple se serait rebeller contre les notables, arrêtant ainsi la construction des statues.
- Un tsunami, un tremblement de terre ou une catastrophe naturelle inexpliquée.
- La famine ou la maladie. Entre l’an 600 et l’an 1000, la civilisation vit principalement de l’agriculture, dans la période de 1000 à 1700, la population grandie et il est de plus en plus dur de se nourrir.
L’arrivée des européens en 1722 survient trop tard, à ce moment là, on ne construit déjà plus de moaï sur l’île. Si au plus fort de sa civilisation, l’île regroupe 20 000 personnes, sa population tombera à 111 en 1870. L’arrivée successive des hollandais, puis des espagnols en 1770 ainsi que des péruviens venus chercher des esclaves sur l’île en 1862, explique peut-être la baisse de la population notamment décimée par les maladies.
A la fin de la visite, notre guide nous accorde une petite interview où il revient sur la carrière des moaï l’un de ses endroits préférés sur l’île. Il nous dit ensuite quelques mots sur l’héritage Rapa Nui qui subsiste sur l’île.
De l'île de Pâques au Chili - Have a nice trip / 14 décembre 2013
[…] Nous partons à la découverte de la carrière des moaïs, du site d’Orongo, mais aussi de la plus grande plate-forme polynésienne. Nous profitons également au maximum des superbes couchers de […]