C’est en Argentine, en plein centre de la ville de Salta, que nous découvrons un musée pas comme les autres. En effet, le Musée Archéologique de Haute-Montagne (MAAM) abrite des découvertes archéologiques exceptionnelles.
Inauguré en 2004, le Musée a été conçu pour accueillir, préserver et diffuser le patrimoine archéologique découvert en 1999 et provenant du volcan Llullaillaco, deuxième plus haut volcan actif du monde, et culminant à 6739 mètres. Ainsi, se trouve ici les corps de 3 enfants Incas accompagnés de leurs objets funéraires et retrouvés sur une plate-forme cérémonielle construite dans le cadre d’un rituel très spécial appelé Capacocha.
Crédit photo MAAM
Dans les cultures précolombiennes, la nature et surtout les montagnes sont considérées comme sacrées. Elles protègent ainsi les communautés vivant à proximité. Durant l’expansion de leur empire, les Incas reprennent ces rites anciens à leur compte et construisent des structures pour leurs rites religieux sur les plus hauts sommets possibles. C’est ainsi que les hauteurs du volcan Llullaillaco furent les témoins de coutumes très spéciales, où les offrandes n’étaient autre que des enfants.
Archéologie et Alpinisme
Les premières ascensions du volcan débutent dans les années 1950. Elles permettent de découvrir l’existence de constructions archéologiques de la base au sommet au volcan.
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Chronologie des événements
1952 : Le Club Andino Chile réalise la première ascension sportive du Llullaillaco et fait connaître l’existence de ruines archéologiques.
1958-1961 : Les premières fouilles d’altitudes sont réalisées par l’autrichien Mathias Rebitsch à 6500 mètres et au sommet.
1971 : Le guide Celestino Alegre Rojas qui avait découvert quelques années plus tôt un cimetière à la base du volcan, se joint au Dr Orlando Bravo de Tucuman pour réaliser des fouilles et des explorations.
1974 : Antonio Beorchia Nigris du Centre de Recherche d’Archéologie de Haute-Montagne (CIADAM) localise le cimetière et en fait connaître les plans.
1999 : Le DR Johan Reinhard accompagnés d’alpinistes et d’archéologues péruviens et argentins monte l’expédition qui va permettre de localiser et d’exhumer les corps et les biens des enfants de Llullaillaco.
Les enfants
Le petit garçon
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Agé d’environ 7 ans, il a été retrouvé assis sur une tunique de couleur grise. Comme tous les garçons de l’élite Inca, il avait les cheveux courts et une parure de plumes blanches.
La petite fille foudroyée
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Agée d’environ 6 ans, elle a été retrouvée assise, les jambes fléchies et la tête levée. Sur son visage on remarque les stigmates de la foudre qui l’a frappée.
La Demoiselle
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Agée de 15 ans lors de l’offrande, elle était probablement une « Vierge du Soleil » éduquée dans la maison des Elus, un lieu privilégié pour certaines femmes Incas.
L’empire Inca, sa culture et ses croyances
L’empire Inca (1439 – 1533) fut le plus vaste empire de l’Amérique Précolombienne. Lorsque les conquistadors espagnols arrivent au Pérou au XVème siècle, une grande partie du Nord-Ouest et du Centre-Ouest de l’Argentine est incorporée à l’Empire Inca, et ce, grâce à la politique d’expansion menée par Pachacuti, « le réformateur du monde ».
Le territoire Inca, qui se déploie le long de la Cordillère des Andes, comprend ainsi une partie de la Colombie, de l’Equateur, du Pérou, de la Bolivie, du Chili et de l’Argentine.
Pour leurs rites et sacrifices, les Incas offrent ce qu’ils possèdent de mieux, pour être récompensés en conséquence. La vie des enfants et leurs biens mortuaires représentent ainsi la plus belle offrande. On dit que les enfants sacrifiés se transformaient pour entamer leur voyage éternel. C’est pour cette raison que les parents prévoyaient aussi dans leurs offrandes de la nourriture, de la boisson, des sandales et des couvertures, en plus des objets funéraires.
Les rituels dans le monde andin ont souvent des objectifs précis, ils sont liés notamment à la nature et à la fertilité, aux cycles agricoles et aux saisons. Ces rituels visent ainsi à tenter de contrôler les éléments et notamment la pluie pour les récoltes.
La cérémonie Capacocha
Capacocha, ou « Obligation Royale » est l’un des rituels les plus importants du calendrier Inca. Il a lieu durant le mois dédié à la récolte en l’honneur d’une divinité ou lorsqu’un empereur Inca trouve la mort. C’est ainsi que les villages de tout l’Empire envoyaient un ou plusieurs enfants choisis pour leur beauté et leur perfection physique à Cusco, la capitale Inca. Les enfants de dirigeants pouvaient eux-aussi être choisis et ils l’étaient souvent.
A Cusco, sur la place principale, des animaux sont tout d’abord sacrifiés. Les prêtres et l’empereur célèbrent ensuite des mariages symboliques entre les enfants choisis afin de renforcer les liens sociaux entre les différents villages du territoire Inca. Suite à cette célébration, les prêtres, les enfants et leur accompagnateurs sont priés de rejoindre leur terre d’origine. Le voyage peut durer plusieurs semaines. A leur arrivée, les enfants sont emmenés vers le lieu des offrandes. Ils sont habillés de leurs plus beaux vêtements. Puis, on leur fait boire de la Chicha (alcool de maïs) pour les endormir, avant de les enterrer.
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Pour les enfant de Llullaillaco, l’enterrement eut lieu au sommet du volcan, ce qui explique que les corps se soient momifiés par l’action de la congélation.
Selon la croyance Inca, les enfants sacrifiés ne mourraient pas, il rejoignaient les ancêtres et observaient le village tels des protecteurs. Cette offrande devait donner santé et prospérité au village.
La conservation des enfant de Llullaicaco
Plusieurs critères ont joué dans la si bonne conservation des momies en haut du volcan : la basse pression atmosphérique, le taux d’humidité faible, les basses températures ainsi que la stabilité thermique dans un environnement aseptique. Pour éviter toute dégradation, les corps sont aujourd’hui conservés dans des capsules spéciales.