Au petit matin à Tupiza, nous nous préparons pour passer quatre jours dans le Sud Lipez, notre seul périple bolivien. Oui, car il faut faire vite, nous devons être à Arequipa, au Pérou dans une semaine seulement pour retrouver des amis français.
Pour ces quatre jours, il va falloir être en forme. Le réveil avant le départ est un peu difficile mais la douche électrique, spécialité bolivienne et péruvienne me ravive aussitôt. Les fils dénudés de celle que je choisis me permettent en plus de l’eau chaude, de profiter agréablement de petits « coups de jus » bien agréables. Je préviens Amandine, pour qu’elle évite de se faire avoir.
Devant l’hôtel, deux jeeps nous attendent. Nous faisons ensuite la connaissance de nos chauffeurs, de notre cuisinière (qui jouera un rôle central durant ce périple), et de nos compagnons de voyage internationaux. Nous nous retrouvons dans la voiture avec Paul et Gea, deux Hollandais qui partageront avec nous cette aventure fantastique !
Le premier jour
A peine sortie de Tupiza, la route devient difficile et l’on se rend vite compte, que l’on ne croisera que peu d’âmes qui vivent durant les jours à venir. La première escale de ce « road trip » sera le Sillar. Ces formations rocheuses si particulières qui s’élèvent vers le ciel. On se sent déjà minuscule au milieu de cet immense paysage.
Nous reprenons ensuite la route pour nous arrêter au milieu d’une immense plaine remplie de lamas. Notre chauffeur nous explique que dans la région, on trouve de nombreux éleveurs de cet animal si typique.
Les arrêts sont de courte durée, la route est longue et nous devons atteindre avant la nuit notre gîte du jour situé à quelques 4000 mètres d’altitude.
Dans la voiture, l’ambiance est plutôt joyeuse. Devant, le chauffeur et la jeune cuisinière nous font écouter quelques musiques boliviennes et surtout péruviennes. On apprend que la cuisinière est une fan de Floricielo dont voici un extrait…
Nous arrivons enfin dans le village de San Antonio de Lipez pour déjeuner. Ce village est perdu au milieu de la vallée, on aperçoit tout autour les montagnes. Les maisons, de la même couleur rosée que le sol, sont construites en pierre et en terre. Le repas de midi consommé ici ne sera pas des plus délicieux, mais sur ce thème, le pire reste à venir…
Nous reprenons la route et c’est là que les choses se gâtent. On monte en altitude, et la neige commence à tomber drue. La route sinueuse dans les reliefs devient légèrement glissante et notre chauffeur nous annonce que si cela continue ainsi, il va devenir difficile de continuer. Se rajoute à tout cela les quatre ou cinq chansons péruviennes de Floricielo qui passent en boucle dans la voiture. L’ambiance change vite, dehors c’est un peu le chaos…
Nous arrivons au « Pueblo fantasma », un ancien village abandonné totalement enneigé, et qui n’est plus que ruines au milieu des montagnes. Voici notre état d’esprit à ce moment-là ! Nous avons froid !
Nous repartons et continuons de monter jusqu’à une grosse frayeur : pendant un virage au bord du gouffre, les pneus se bloquent et la voiture commence à partir tout doucement vers le précipice… pour s’arrêter seulement à quelques centimètres. Là, nous ne rigolons plus du tout. Nous passons ensuite l’entrée de la Réserve nationale de faune andine Eduardo Avaroa.
Lorsque nous arrivons enfin dans le refuge, situé à 4000 mètres d’altitude, à la tombée de la nuit, c’est un grand soulagement.
Nous découvrons nos chambres, sans chauffage ni électricité. Le froid est déjà très présent et ce n’est pas pour nous rassurer sur la nuit que l’on va passer. Nous nous installons à table pour débriefer de cette journée en attendant le repas chaud salvateur. Trois petits boliviens qui habitent juste à côté viennent nous « jouer », à leur façon, un peu de musique. A défaut d’être bons, ils ont le mérite de nous détendre. Leur chant et leur musique sont plus qu’approximatifs et la plus jeune qui joue du tambourin n’a pas vraiment le rythme dans la peau.
Le repas arrive enfin mais c’est la déception encore une fois. La viande de lama, que l’on a déjà pu goûter à midi, n’est pas ce que l’on trouve de mieux… A moins que ce ne soit notre cuisinière… Nous mangeons parce que nous avons faim. Nous partons ensuite vite nous coucher pour nous réchauffer et rêver d’un ciel meilleur. Je suis le seul de ma chambre à avoir le courage de me changer pour dormir, les autres ayant trop froid pour daigner enlever une couche de vêtements. Je précise qu’ici il fait quasi -10°C… J’ai compris au milieu de la nuit que j’avais eu tort de me changer. Je me suis réveillé avec la surprise de ne plus sentir les orteils de mon pied droit. Je les réchauffe tant bien que mal puis remets une couche de chaussette pour terminer la nuit.
Cette première journée ne fût pas la plus intéressante : beaucoup d’heures de route et peu de choses à admirer à cause du mauvais temps.
Deuxième jour
Au réveil, la première chose que l’on attend, c’est de savoir si la météo nous fait un cadeau. Il semblerait que oui, les chauffeurs sont déjà en train de préparer les voitures et de les chauffer. Ni une, ni deux, on avale notre petit déjeuner médiocre et on repart sur les chemins.
Avant de voir notre premier lac, nous nous arrêtons dans une petite ferme de lamas complètement isolée où nous faisons la connaissance des gardiens du lieu avec qui Amandine s’entendra bien.
Elle se rendra compte un peu tard que ce mignon petit chien ne sent pas la rose !
Le temps se dégage et nous arrivons au bord du premier lac avec un grand soleil. Le temps de prendre une ou deux photos et nous repartons car nous sommes impatiens d’atteindre le prochain point de rendez-vous : les eaux thermales de Polques !
Le ciel est toujours bleu mais les températures sont vraiment très basses et nous devons tous nous changer dans une petite bicoque. Pas facile tous ensemble, mais vite fait, bien fait et nous voilà à l’eau. Nous ne sommes partis que depuis une journée, mais avoir chaud nous fait un bien fou après la nuit froide.
Nous y resterons un temps trop court à notre goût mais nous devons continuer la route. Pendant le repas de midi, tout le monde est K.O. La faute à l’altitude (certains se sont réveillés au milieu de la nuit en suffoquant), à la qualité de la nourriture qui se dégrade à chaque repas, et à ce bain chaud qui nous a coupé les jambes.
L’après-midi, nous avons encore beaucoup de route à faire. Nous regardons les paysages défiler à notre fenêtre toujours en écoutant ces chansons péruviennes qui commencent à nous irriter les tympans. Le chauffeur nous propose souvent si l’on veut mettre notre musique, auquel nous répondons pas l’affirmative. Malheureusement, à chaque arrêt, la cuisinière, qui ne doit pas apprécier nos goûts musicaux, en profitent pour remettre en boucle sa playlist lancinante…
Nous arrivons ensuite au bord des geysers et des mares de boue du « Sol de Mañana », une zone qui comporte une activité géothermique importante qui se situe à 4850 mètres d’altitude.
Amandine commence à ne pas se sentir très bien. Fatigue, maux de ventre, est-ce l’altitude, la coca que l’on mâche régulièrement, la nourriture ? Impossible de le savoir pour le moment, mais on espère que cela va s’arranger. Nous passons ensuite le point le plus haut de nos quatre jours, les 5000 mètres. A partir de maintenant, nous ne ferons que redescendre.
En fin d’après-midi, nous arrivons à notre refuge situé à près de 4500 mètres au dessus du niveau de la mer, pour déposer nos sacs avant de repartir pour la Laguna Colorada. Ce lac est le plus grand de la région et il est caractérisé par sa couleur rose due aux algues qui le peuplent. Les flamants roses y sont aussi présents et la vue ici est magnifique malgré le fort vent froid qui mord chaque morceau de notre peau découverte.
Après la promenade, nous rentrons tranquillement dans ce qui va nous servir de logement pour la nuit. Nous sommes chanceux, il y a un poêle rustique dans la pièce principale qui nous réchauffe pendant le repas. Une nouvelle fois, le lama est au menu et c’est encore une déception. Nous avons un petit flan en dessert que je préfère ne pas toucher. Amandine a la mauvaise idée, selon moi, de vouloir en manger deux.
Nous allons nous coucher dans les mêmes conditions que la veille et la nuit commence. Mais là, un problème se profile. Amandine a des crampes d’estomac insupportables et inexpliquées. La nuit est longue et éprouvante, Amandine vit un calvaire et je ne sais pas quoi faire pour l’apaiser. En plus, sortir du lit est à une chaque fois une épreuve terrible à cause du froid qui ne nous lâche pas…
Troisième jour
Malgré les nuages de la veille au soir, ce matin le ciel est bel et bien dégagé. Ce qui nous rassure encore une fois pour la suite de notre périple. Amandine se sent un peu mieux que cette nuit.
Première destination, l’Arbol de Piedra, une formation rocheuse due à la force des éléments. La zone est enneigée et cet arbre de pierre qui s’élève seul au milieu a quelque chose de particulier.
Ensuite, la journée « lacs » peut commencer. Au programme, les lacs Ramaditas, Honda, Charcota, Hedionda et Cañapa. Tous ces paysages sont vraiment impressionnants, magnifiques. Difficile de trouver les mots pour décrire ce que l’on voit. Tout est immense, les lacs, les montagnes, les plaines. Nous nous sentons vraiment petits sous ce ciel d’un bleu azur.
Nous profitons au maximum de chaque arrêt pour admirer et essayer de capturer au maximum ce que l’on voit. La plupart de ces lacs sont le refuge de différents types de flamants roses. Ils sont des centaines ici et ceci aussi ajoute du charme aux lieux visités. Les couleurs des lacs aussi ont quelque chose de magique !
Après ces cinq arrêts, tous plus beaux les uns que les autres, c’est l’heure du picnic ! Nous nous arrêtons derrière une petite colline rocheuse à l’abri du vent et heureusement, car il fait déjà très froid, nous sommes toujours en dessous de 0 ou alors pas loin au-dessus… Notre merveilleuse cuisinière nous sort son plat du jour : des ailes et cuisses de poulet avec des petits légumes. Et même si c’est froid, on se dit qu’elle ne peut pas rater un plat comme celui-là ! Malheureusement pour nous, elle l’a fait. Tout est soit trop cuit, soit pas assez. Plutôt impressionnant !
Nous serons accompagnés durant notre repas par des lièvres qui habitent la colline. Eux, connaissent bien les touristes et savent qu’ils peuvent récupérer de quoi nourrir leurs petites familles.
La route reprend et de la Jeep nous pouvons admirer le volcan Ollagüe fumant. Nous nous arrêtons un peu plus loin pour l’admirer et prendre quelques photos devant.
Vient ensuite le moment où l’on se rapproche du fameux Salar, toujours accompagnés de notre chère Floricielo. On longe la voie de chemin de fer qui relie Uyuni aux côtes chiliennes de l’autre côté de la montagne.
Et finalement, nous arrivons pour notre dernière soirée aux abords du désert de sel dans un hôtel lui-même composé intégralement de sel. Ni les murs, ni les lits, ni les tables et les chaises ne sont épargnés par la transformation saline.
Nous posons les bagages et allons payer nos tickets pour pouvoir profiter de cinq minutes de douche chaude. Douche absente depuis maintenant 3 jours ! Il y a une longue file d’attente et d’après mon numéro, j’ai un peu de temps à attendre. Notre compagnon de route américain fait partie d’un club d’Ultimate et a toujours un frisbee sur lui, toute notre troupe sort donc faire quelques échanges en regardant le coucher de soleil sur ce vaste espace de sel.
La douche chaude n’est qu’un mince filet d’eau et il fait tellement froid autour que le moment est loin d’être agréable, mais il réconforte un peu. Avec la condensation, des gouttes d’eau froide me tombent dessus. Chaque goutte est comme une petite décharge électrique !
Vient le temps du dernier dîner. Un grand moment à venir ! Amandine ne se sent toujours pas très bien et va se coucher pour éviter de vomir encore une fois toutes ses tripes… Bon appétit ! Je m’installe donc à table avec nos compagnons de route. Au menu, lasagnes de lama et vin bolivien. Moi qui suis un grand fan de lasagnes, je m’en lèche les babines.
Et là, c’est le drame. Je vois la tête de nos amis anglais qui se retournent vers moi avec une moue de dégoût. Andrew me lance : « Je suis désolé pour toi, je sais que vous les Français vous êtes habitués à manger bien mieux que nous. Mais là, même moi je trouve ce plat infecte ! »
Je finis mon bol de soupe et me dis que je vais quand même goûter à cette « chose » à l’odeur de pieds… Le goût n’est pas meilleur… Impossible d’avaler cette première bouchée. Résigné, je tente de me rincer la bouche avec le vin. J’ai regrette très vite mon geste, le vin bolivien, ça pique ! Finalement, je n’aurai ingurgité que mon bol de soupe. Un peu léger comme dîner, surtout quand il fait si froid.
Nous allons donc nous coucher le ventre presque vide mais avec l’idée que demain sera le plus beau jour de notre périple bolivien, le Salar de Uyuni nous attend !