Acquise par Jacques et Celina Telesphore Roman en 1836, la plantation de Oak Alley se situe à Vacherie sur la rive droite du Mississippi, à mi-chemin entre la Nouvelle-Orléans et Bâton Rouge. Jacques était alors le frère du gouverneur de Louisiane. La plantation se caractérise notamment par un chemin menant à la Big House et délimité par deux grandes allées formées par 28 chênes âgés de plus de 300 ans. C’est de cette allée que la plantation tient son nom. Depuis 1995, chaque arbre s’est d’ailleurs vu attribuer un nom.
L’histoire de la plantation de Oak Alley est très intimement liée à la culture de la canne à sucre. Si dans le Nord du pays la révolution Américaine amène des changements politiques importants après 1763, menant notamment à l’abandon progressif de l’esclavage, dans le sud du pays c’est une autre histoire. L’esclavage y occupe au contraire une place importante dans l’organisation sociale et économique de la région. Ainsi, la plantation de Oak Alley n’y échappe pas. Lorsque Jacques et Celina achètent la propriété en 1836, la plantation est déjà composée de 57 esclaves qui travaillent aux champs. La même année, Jacques en fait venir 49 de plus, portant à 109 le nombre de ses esclaves. Le quartier des esclaves est ainsi composé de 20 maisonnettes divisées en 2 et pouvant accueillir dans chaque partie 2 à 5 personnes.
Hormis ceux qui doivent cultiver la canne à sucre, les autres doivent s’occuper du manoir familial, servir les dîners et s’occuper des enfants. Même si physiquement le travail était moins dur qu’aux champs,il ne s’arrêtait que lorsque les « maîtres » étaient couchés. Reflétant le statut social de la famille Roman, ces esclaves là se devaient d’être présentables à tous moments et avaient donc des vêtements et chaussures des meilleures qualités que les autres. L’intérieur du Manoir revêtu de son mobilier d’époque est des plus cosy…
Lorsque les esclaves étaient malades, ils étaient envoyés à la « Sick House », maisonnette où ils étaient soignés par le docteur Merricq, un ancien chirurgien de l’armée de Napoléon. Ce dernier était payé 300 dollars à l’année et pouvait être appelé à tout moment. Le chirurgien était reconnu pour ses amputations réussies. Les accidents n’étant pas rares dans les plantations de sucre, il était plus facile pour le docteur d’amputer plutôt que d’essayer de soigner une fracture par exemple. La Sick House était également très mal équipée et le docteur devait apporter avec lui tout son matériel. La propreté des lieux laissait beaucoup à désirer et les médicaments les plus coûteux étaient gardés pour la famille dans le manoir. Ainsi, les épidémies pouvaient se propager très facilement et un malade pouvait facilement mourir à cause de l’insalubrité du lieu alors qu’il était admis à la base pour un simple brûlure ou une infection.
Des infirmières esclaves devaient veiller sur les autres et jonglant sans aucune formation entre la médecine africaine et occidentale pour aider au mieux les malades. La malnutrition était également l’une des raisons pour lesquelles les esclaves pouvaient se retrouver dans la Sick House. En effet, les rations étaient totalement inadaptées au labeur acharné des hommes qui travaillaient 12 à 14 heures par jour. Alors, pour survivre, ces derniers n’avaient pas d’autres choix que de cultiver eux-même leur jardin pour nourrir convenablement leurs familles. D’autres avaient aussi du bétail, ajoutant un peu plus de travail à la fin de la journée. Certains esclaves cultivaient d’ailleurs du maïs (un produit en demande constante) qu’ils revendaient à leur « maître ». Ces derniers y trouvaient leur compte, car acheter directement à ses esclaves réduisait les coûts.
A la Oak Alley plantation, l’on retrouve cependant une histoire touchante, symbole des relations complexes entre les esclaves et leurs détenteurs. Cette histoire, c’est celle de Zéphyr. Il fut transféré à la plantation de Oak Alley avec sa femme et ses deux enfants en 1836. Détenu par la mère de Jacques Roman qui le qualifiait de serviteur dévoué, la vieille femme avait émis le souhait qu’après sa mort la famille de Zéphyr ne soit jamais séparée. En souvenir de sa mère, Jacques ira même jusqu’à libérer Zéphyr, l’affranchissant de sa condition d’esclave par l’acte de manumission. Un geste fort et encourageant.
Zéphyr restera cependant dans la plantation pour travailler aux côtés de sa famille, qui restait elle, toujours esclave. Après 10 ans de bons et loyaux services il économisera assez d’argent pour acheter son épouse et la libérer à son tour. Agés de 60 et 70 ans, le couple décidera cependant de rester vivre à la plantation, d’une part parce que leurs enfants en étaient toujours esclaves et d’autre part, parce qu’à leurs âges, il leur aurait été compliqué d’apprendre à vivre autrement…